Pour se construire une bonne mémoire sommeil de base, à moins que ce ne soit le sommeil de la raison qui, on le sait, engendre des monstres. Au Courrier de santé Le 26 janvier explique les mécanismes nécessaires aux différentes zones du cerveau pour créer des connexions et, à travers elles, sélectionner ce qui vaut la peine d’être retenu et ce qui doit être jeté à la poubelle et éliminé comme lest inutile. Un aspect curieux de ce phénomène est que son pivot est ce qu’on appelle le Default Mode Network, c’est-à-dire un réseau de cellules nerveuses qui s’active lorsque nous ne pensons à rien. Nous nous demandons quand on ne peut vraiment penser à rien sauf pendant le sommeil? Très rarement bien sûr, et encore moins puisque la technologie nous accompagne et nous assiste de manière de plus en plus envahissante et donc, au lieu de nous laisser plus de temps, elle nous en prend. Un paradoxe aux yeux de tous (il faut le dire) : combien d’entre nous le font vraiment même quand on a le temps d’être seul avec soi-même ? Peut-être profiter d’une vue ou même simplement regarder par la fenêtre d’un train sans penser à rien ?
Même en l’absence de soucis, d’angoisses, quand il serait possible de s’arrêter un instant, rendre l’esprit accueillant, créer un peu de vide, d’attente, on s’enfuit aussitôt. Le silence intérieur, déjà difficile en soi, nous évite: quelque chose qui nous fait peur. Et puis voici l’ami qui nous sauve de l’embarras : notre smartphone, qui capte notre attention, nous sauve, nous justifie, il nous permet de discuter, de travailler, de jouer, il nous permet d’utiliser notre temps de manière productive. l’assistant idéal qui garde ce visiteur dangereux, cet hôte indésirable, hors de la porte, le silence, qui a beaucoup de choses à nous dire, probablement aussi assez intéressantes et surprenantes, des choses auxquelles nous n’aurions jamais pensé. Ceci est confirmé par une récente étude publiée dans la revue théorie du marketingbasé sur une série d’entretiens, qui confirme à quel point le soi-disant ennui profond est une condition très favorable à la créativité, pour la naissance de nouvelles idées et passions, pour la solution originale des problèmes. Dommage que, toujours selon l’étude, la technologie dresse un énorme obstacle au passage de l’ennui superficiel, celui pendant lequel on tripote le téléphone portable (par ennui, en fait), à l’ennui profond, qui demande au moins un temps.
Rien de particulièrement nouveau dans la réalité étant donné que le philosophe était déjà il y a environ un siècle Martin Heidegger il a dit que l’ennui est une composante importante de la vie et doit être cultivé. Le problème n’est pas de faire taire l’esprit donc, en effet, il serait plutôt silence raison, ce qui est tout autre chose. Essayer de se taire, au contraire, nourrit la raison, tout comme l’écoute, sans laquelle la raison dépérit et produit des discours absurdes (littéralement sourds), déraisonnables justement. En retournant dormir, ne penser à rien pendant la nuit consolide la mémoire et sans mémoire il n’y a pas d’histoire et sans histoire il n’y a pas de raison. Et si on s’installait ensuite confortablement et qu’on éteignait le téléphone pendant un quart d’heure ? Peut-être que quelque chose nous vient à l’esprit ou nous revient. Impossible? Attribuer à l’ancienne et évidente étiquette de techno-moralisme ? Bien sûr, vraiment essayer serait déjà une idée révolutionnaire. Qui commence ?