La solitude fait mal. Les études consacrées à laimpact que l’isolement peut avoir sur les troubles cognitifs. Mais, au fond, ce que la science aujourd’hui peut corroborer avec des données et des recherches relève déjà d’un sentiment instinctif. Au lieu de cela, ce qui peut être moins naturel à percevoir est l’impact que la solitude en tant qu’expérience collective peut avoir sur la stabilité sociale. Les progrès des technologies nous ont dotés de moyens de connexion toujours plus performants qui nous ont permis, entre autres, on le sait bien, de communiquer et de travailler même pendant la pandémie. Cependant, il vaut peut-être la peine d’opérer une distinction entre l’efficacité (et l’utilité indéniable) de ces moyens et leur efficacité. Il est également possible de négliger ici, par exemple, les limites largement examinées et discutées de papa (enseignement à distance), pour tenter quelques observations supplémentaires sur ce que la tendance omniprésente de substituer des relations « réelles » à des relations virtuelles.

C’est une considération anodine que la quantité de contacts offerts, mais encore plus « demandés », par les réseaux sociaux ne corresponde pas à la même qualité, mais il est moins évident de pouvoir avoir un aperçu des éventuelles conséquences « politiques » de Ce phénomène. Les sociétés se développent grâce à un pacte fondamental de confiance, qui se nourrit des relations. Lorsque la plupart de nos activités, qu’il s’agisse d’acheter quelque chose, d’obtenir des informations ou de nous repérer dans une ville, se déroulent sans avoir à interagir avec quelqu’un en personne, il y a un appauvrissement progressif du patrimoine de confiance mutuelle, qui est la brique sur laquelle se construit le social mais aussi l’économique. Une société construite sur l’expression et la promotion maximales d’elle-même dans une clé individualiste et autoréférentielle risque de se transformer en narcissisme de massedans lequel « masse » ne doit pas être confondu avec « peuple ».

Il n’est pas si immédiat de s’en rendre compte, comme nous l’avons dit, du moins pas autant qu’il est « se sentir mal » parce que tu te sens seul, car dans ce dernier cas ce sont les mécanismes évolutifs dont nous avons hérité qui nous avertissent, avec des formes de douleur qui peuvent aussi avoir de vrais corrélats physiques, qu’il s’agit d’une condition qui nous expose à des risques et à laquelle nous devons essayer de remédier. Néanmoins, il est plutôt important de prendre collectivement conscience que isolement social généralisé, choisi « librement » par l’adoption d’une vie pleine de relations et pauvre en relations réelles et en valeurs connexes, peut déjà avoir des conséquences importantes ici et maintenant. A l’heure où l’on assiste à un affrontement armé, au sens strict comme au sens figuré du terme, entre États autoritaires et démocraties, il convient de consacrer une réflexion à la «tyrannie», pour citer le philosophe français Eric Sadìn, du «Soi hyperconnecté qui a été placé au centre du monde». Qui peut passer sous le radar, mais qui implique et questionne chacun d’entre nous.

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