La réponse du Dr. Giancarlo Cerveri
Chère Mary,
Merci pour votre question car elle touche à un sujet très complexe en psychiatrie, à savoir le diagnostic différentiel entre le trouble dépressif majeur (TDM) et le trouble bipolaire (TPL). Ce sont deux conditions cliniques distinctes décrites avec une épidémiologie, des antécédents familiaux et des directives de traitement distinctes (elles sont également rapportées dans différents chapitres des manuels de diagnostic), mais qui partagent la survenue de symptômes dépressifs.
Les personnes atteintes de TPL connaissent des épisodes dépressifs récurrents alternant de manière inégale avec une élévation de l’humeur (manie ou hypomanie). L’état dépressif est souvent plus fréquent, plus durable et plus invalidant. Ces sujets ont un nombre d’épisodes plus élevé, une plus grande fréquence d’hospitalisation psychiatrique, une survenue plus précoce et un risque suicidaire plus important que les personnes souffrant de dépression unipolaire. Malgré ces différences, la présentation clinique de l’épisode dépressif est superposable dans les deux troubles, ce qui explique la difficulté de différencier les deux affections.
Plusieurs études cliniques confirment qu’entre 40 et 50 % des sujets atteints de TPL sont diagnostiqués à tort comme TDM au début de leur trouble. Dans ces cas, un diagnostic correct s’accompagne d’un délai d’environ 8 à 10 ans. Cette affection peut entraîner des conséquences graves dans la vie du sujet ainsi que des traitements inefficaces et parfois nocifs.
Si pour le TDM le traitement de choix consiste en des antidépresseurs avec association d’interventions psychothérapeutiques. Pour le Trouble bipolaire, l’introduction de thymorégulateurs (comme le lithium) est nécessaire en complément des traitements psychoéducatifs visant à apprendre au sujet à reconnaître précocement les symptômes et à modifier les habitudes de vie qui aggravent le risque de récidive (cycle sommeil/éveil, consommation d’alcool ou d’autres substances d’abus, etc.). Pour plus d’informations, voir également https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0165032718307924
Je dois admettre, d’après ce que vous écrivez, Maria, qu’il est peu probable que l’on puisse diagnostiquer un trouble bipolaire à 70 ans sans d’abord se rendre compte du problème. Les épisodes maniaques, hypomaniaques antérieurs doivent être présents dans votre mémoire et celle de vos proches.
En cas de doute, comme c’est le cas pour d’autres disciplines médicales, vous pouvez essayer de demander une consultation avec un autre spécialiste pour obtenir un deuxième avis. Je pense qu’il est important que vous alliez à la consultation, le cas échéant, avec des personnes proches de vous qui peuvent vous aider à reconstituer votre histoire clinique de manière plus complète. En effet, il n’est pas rare que des épisodes expansifs (maniaques ou hypomaniaques) soient rapportés de manière incomplète, ne permettant pas au psychiatre d’avoir une vision claire de l’histoire clinique de la personne qu’il rencontre pour la première fois.
Cordialement
Dr Giancarlo Cerveri