Nous sommes toujours à la recherche de l’antidote à la triade douleur, souffrance et mort, désormais évoquée par la guerre. Notre bien-être physique et psychologique dépend de la culture relationnelle que nous sommes capables d’introduire dans nos vies et nos choix.
Nous vivons par mots. Bien sûr aussi de l’eau et de la nourriture, mais surtout des mots, dans cette partie du monde, car beaucoup de nos choix découlent des mots qui nous entourent et nous traversent. Même ceux de l’alimentation quotidienne, ceux des soins du corps, ceux du style de vie. Nous avons appris, ces dernières années, le sens de mots comme distanciation, gouttelette, phase 2, écouvillon, pandémie et nous en avions peur. De plus, à notre époque, nous avons peur des mots comme graisses, sucres, conservateurs, huile de palme. Et puis il y a des mots encore plus incisifs et toujours inquiétants comme douleur, souffrance, inconfort (à l’opposé du bien-être tant convoité, présent dans tous les biscuits, forfaits touristiques et même dans les chaussures). Chaque mot ouvre en chacun de nous un univers possible d’interprétations et de comportements, toujours en relation avec ce que pensent et font les autres, car nous sommes toujours des animaux sociauxcertes autonome, mais également dépendant de la pensée de groupe.
Les mots qui nous font peur sont les plus intéressants à analyser. En ces mois, jours et heures de guerres brutales, comme toutes les guerres, mais montrées sans censure et sans s’arrêter sur tous les supports possibles, nous sommes continuellement exposés à la triade de mots : douleur, souffrance, mort. Nous les projetons hors de nous pendant quelques mois, mais ils ont toujours vécu en nous, comme des moyens de dissuasion pour de nombreux choix quotidiens, allant de l’alimentation aux choix thérapeutiques, des rues sombres que nous évitons la nuit au fait que nous portons un foulard s’il y a du vent. Nous ne voulons pas souffrir, ressentir de la douleur et, si possible, mourir. Curieusement on roule alors à 180 km/h sur autoroute comme si la triade des mots n’existait pas. Et cela nous rappelle que nous sommes humains, c’est-à-dire faillibles. Maintenant, nous voyons cette triade en séquence représentée dans les films de guerres, sachant au fond que cette scène, bien que lointaine et dans un contexte qui ne semble pas exportable dans nos villes, il parle de nous, de nos peurs ataviques.
Ce sont trois mots qui construisent un imaginaire dans lequel la médecine, l’économie et la technologie apparaissent comme les seuls éléments salvateurs: en eux nous cherchons la solution à ce qui est insoluble. A ceux-ci s’ajoute aujourd’hui plus que jamais le géopolitique. Toutes ces réponses sont de nature technique. Mais la peur de la douleur et de la souffrance, et plus encore de la mort, pas un problème technique, mais existentiel, spirituel et adaptatif, c’est-à-dire psychologique et biologique. Peut-être qu’une partie de la solution réside alors dans la culture que nous sommes capables d’introduire dans nos vies et nos choix : culture de relation et de coexistence pacifique, de respect de notre propre corps et de celui des autres, de reconnaissance de la dignité de tout être humain. Et il n’existe pas une marque qui produit tout cela, ni une start-up, ni un gourou de la haute technologie. Nous devons le construire nous-mêmes.
* Université de Pavie, Comité d’éthique de la Fondation Veronesi