Le sens du devoir d'un marathonien – Le blog d'Antonio Ruzzo

2624 novembre

Le sens du devoir du marathonien

Il n’y a aucune envie de sortir courir. Parce qu'il fait froid et brumeux. Parce qu'il y a aussi du vent et, dans les campagnes où il n'y a pas d'abri, il y a des rafales glaciales qui transpercent les os. Il n'y a aucune envie parce qu'il fait noir, parce qu'après un certain temps c'est peut-être plus pratique de faire une pause, parce qu'on peut facilement courir demain… Et à la place on y va. Parce que courir est un exercice spirituel. Surtout dans l'obscurité d'une soirée d'hiver. Il existe chez les marathoniens un sens malsain des responsabilités qui les amène à remporter le défi avec la partie la plus paresseuse et la plus sage d'eux-mêmes, à vaincre l'angoisse de sortir les phares éteints, en laissant derrière eux les lumières d'une ville qui, dans la chaleur, préparer le dîner et qui, dans le jeu des contrastes, apparaît très lointain. Et plus on s'éloigne, plus les paroles de celui qui a élevé la course au rang de l'une des nombreuses formes d'art me viennent à l'esprit : « Je fais face aux tâches qui m'attendent et je les accomplis une à une, jusqu'à épuisement des forces. Je concentre mon attention sur chaque étape, mais en même temps j'essaie d'avoir une vision globale et de regarder loin devant. La manière dont mon temps de course et ma place dans le classement sont jugés, ainsi que la manière dont mon style est pris en compte, est d'une importance secondaire. Ce qui m'importe, pour le coureur que je suis, c'est de franchir les lignes d'arrivée les unes après les autres avec mes propres jambes. Utiliser toute la force nécessaire, endurer tout ce que je dois faire et finalement être heureux avec moi-même. Apprendre quelque chose de concret – aussi petit soit-il mais concret – à partir des erreurs que je fais et de la joie que je ressens. Et course après course, année après année, pour arriver à un endroit qui me satisfait. Ou du moins s’en approcher. Si jamais il y a une épitaphe sur ma tombe, et si je peux la choisir, j'aimerais que soient gravés ces mots : « Murakami Haruki, écrivain et marathonien. Au moins, il n'a pas marché jusqu'au bout. » Parce que dis ce que tu veux mais je suis un marathonien…

A lire également