La santé n’est pas à vendre. En réalité, cependant, il semble être à vendre, et comment. Et ne pensez pas nécessairement à Big Pharma ou à d’autres acteurs du système de santé. Un article publié sur le site Interne du milieu des affaires énumérer franchement 10 façons de gagner de l’argent avec votre corps (aux États-Unis). Ils vont de la vente de plasma à celle de gamètes, jusqu’à l’adhésion à des essais scientifiques et cliniques, y compris psychologiques, même par des agences gouvernementales ou d’importantes universités. Sans entrer dans le détail des différentes options, traitées assez clairement, y compris les risques, dans ce que l’on pourrait définir comme un article de service, ce qui peut frapper le ton anodin du récit. Il ne s’agit pas ici de dire vrai ou faux pour les différentes options proposées : si on le souhaite, on pourrait citer des positions bioéthiques complexes pour plusieurs d’entre elles, mais ce n’est pas le bon endroit, à la fois pour des raisons d’espace et de compétence. Il s’agit plutôt de se demander si cette normalité est un signe des temps qui chemine vers une irréversibilité absolue.
En Italie, par exemple, avec tous les défauts que peut avoir notre pays, pour l’instant il n’est pas permis de vendre son sang. Ce qui est certainement une aubaine pour tout le monde, car il apporte des avantages indiscutables à ceux qui reçoivent des sacs d’unités rouges et apporte des avantages avérés à ceux qui en font généreusement don, tant sur le plan concret que psychologique. Et cela représente une solidarité haute et précieuse. Pensons à quel point ce serait différent si ce geste était soumis aux simples lois de l’offre et de la demande : Êtes-vous sérieux ? Combien êtes-vous prêt à dépenser pour mon sang, qui est très difficile à trouver ?. Les différentes possibilités évoquées dans le décalogue du site peuvent prêter à différents commentaires : pourquoi se scandaliser, pour ne citer qu’un cas, si toute personne qui met son corps à disposition pour la recherche est rémunérée, étant donné que quelqu’un à partir des résultats de cette étude pourra faire un profit, en termes économiques ou même simplement en termes de connaissances ? Ce sur quoi, en général, on peut se risquer à une réflexion, c’est que ne pas être frappé par la sérénité de l’article équivaudrait peut-être à avoir introjecté l’hypothèse que chacun de nous peut être considéré comme un produit de basebien que singulier dans tous les sens, une marchandise.
D’ici à légitimation de la vente d’organes destinés à la transplantation, juste pour faire une hypothèse, l’étape ne serait pas si longue. Ce qui attribue la valeur de chacun à sa simple efficacité biologique, mieux si inversement proportionnelle à sa condition sociale et donc à sa volonté de se mettre sur le marché aux meilleures conditions possibles pour l’acheteur : être pauvre vous rendrait plus compétitif, il n’y a aucun doute. Le roman me vient à l’esprit Ne me quitte pas de Kazhuo Ishiguro, dans laquelle on envisageait une société dans laquelle des clones de personnes riches n’étaient élevés que dans le but de fournir des organes de remplacement à leur original en cas de besoin. Une lecture qui, lors de la parution du livre, apparaissait dystopique. Après tout aussi 1984 d’Orwell avait produit le même effet. Les deux ne sont pas encore devenus des prophéties accomplies (peut-être, pour l’instant, du moins dans nos parties). Mais face à la normalité du titre sur le site en question, une certaine crainte surgit.