Les progrès des appareils capables de lire et d’interpréter les signaux cérébraux sont très rapides. Nous avons besoin d’outils adaptés pour régir le développement et l’utilisation éthiquement et socialement conscients de ce type d’innovation.
Des progrès récents et en cours en matière de neurotechnologie et intelligence artificielle (IA) rendent aujourd’hui possible une connaissance sans précédent du cerveau. La neurotechnologie est un terme générique qui englobe tous les outils, systèmes et méthodes qui permettent enregistrer, mesurer et/ou influencer les signaux cérébraux. Il s’agit notamment des interfaces cerveau-ordinateur, des systèmes qui permettent l’enregistrement et le décodage des informations contenues dans les signaux cérébraux, ouvrant ainsi efficacement une voie de communication directe entre le cerveau et l’ordinateur. Les bénéfices découlant du développement de cette technologie et de la neurotechnologie en général sont évidents dans le domaine médical : il suffit de penser à la possibilité de contourner les circuits nerveux endommagés et être capable de rétablir la fonction qui en découle (comme dans la paralysie des membres due à un traumatisme médullaire) ou moduler/reprogrammer les circuits cérébraux responsables des symptômes moteurs et/ou cognitifs (pensez à la maladie de Parkinson ou à la dépression sévère).
Dans le domaine scientifique, jamais on n’a pu explorer les fonctions du cerveau, ses circuits neuronaux et décrypter comment ils en dérivent. l’apprentissage, le comportement, la mémoire, la capacité de décision, les émotions, en d’autres termes ce qui fait de nous des humains. Tant de potentiels présents et futurs des neurotechnologies peuvent, derrière l’aspect de la protection du droit fondamental de chacun à la santé, en cacher un plus épineux dans leur utilisation. Par exemple, pour améliorer les capacités cognitives, influencer/conditionner notre capacité à choisir ou à nous comporter. La communauté neuroscientifique (et pas seulement) s’interroge donc sur la nécessité de se doter d’une régulation éthique et juridique qui part d’une question initiale : avons-nous besoin de nouveaux droits – les neurodroits de la personne ?
À l’heure actuelle, plusieurs organisations internationales convergent vers un ensemble de normes concernant la sécurité et la confidentialité qui garantissent l’utilisation des neurotechnologies et des données cérébrales qui peuvent être acquises/analysées avec elles en pleine harmonie avec les droits de la personne. Il s’agit toutefois de recommandations qui ne sont actuellement pas juridiquement contraignantes. La science-fiction? Ce n’est pas le cas : Les technologies capables de lire et d’interpréter les signaux cérébraux qui sous-tendent nos capacités cognitives et émotionnelles existent déjà et leur progrès continu est beaucoup plus rapide que la définition de nouveaux droits et réglementations. Se doter à temps d’outils adaptés pour encadrer le développement et l’utilisation des neurotechnologies représente une étape fondamentale à franchir au niveau international pour une innovation véritablement durable d’un point de vue éthique et social.
* Directeur du Laboratoire d’Imagerie Neuroélectrique et BCI; Fondation Santa Lucia Irccs, Rome