Il est dangereux de présenter les pathologies psychiatriques comme des désagréments indéterminés. L’exclusion des troubles mentaux du champ de la médecine ne combat pas les préjugés mais, paradoxalement, les englobe
Nous vivons aujourd’hui dans une société contradictoire, hautement technologique (au détriment de la dimension humaine), qui prétend avec force promouvoir l’inclusion, tout en évoluant rapidement vers un système dans lequel les fragiles ont de moins en moins de place. le cas, entre autres, de patients psychiatriques, en particulier les cas graves et chroniques qui nécessitent une assistance et des services de soutien constants. Tout cela alors que d’un point de vue scientifique, ces dernières années, La psychiatrie a au contraire fait d’énormes progrès en termes de traitement, de diagnostic précoce et surtout de prévention. (voir, par exemple, les troubles du spectre autistique). Face à cette réalité, a progressivement émergé une critique du concept même de maladie mentale, jugée discriminatoire, associée à la proposition d’encadrer nos patients comme souffrant non d’une pathologie mais plutôt d’une un inconvénient non précisé.
C’est une pente dangereuse, scientifiquement incorrecte et éthiquement injuste. D’un point de vue anthropologique, ne pas reconnaître la souffrance du patient comme un état pathologiqueà l’origine d’une altération biologique spécifique (démontrée) sensible au traitement, équivaut en fait à un renoncement au traitement. Et ce n’est pas tout : cela risque d’accélérer le démantèlement de services qui font déjà cruellement défaut pour les personnes qui souffrent. Un mécanisme qui favorise une régression vers les âges sombres métaphoriques, dont la science avait permis de se libérer. Les premières et terribles conséquences de ce processus apparaissent dans le débat international, sous la forme, par exemple, de proposition d’aide à mourir pour pathologie mentale. Le déni des idées suicidaires en tant que symptôme, en conflit ouvert avec les connaissances scientifiques consolidées, conduit effectivement à l’élimination du patient psychiatrique, qui n’est qu’apparemment volontaire car la volonté du patient est minée par des idéations pathologiques, qui pourraient (et doivent) plutôt faire l’objet d’un traitement.
L’exclusion des troubles mentaux du champ de la médecine ne combat pas les préjugés mais les englobe paradoxalement.. La bonne direction serait plutôt de partir de la critique de ce dualisme corps-esprit qui continue de peser sur les neurosciences : la conception du cerveau en tant qu’organe, comme le foie ou le cœur, briserait les conditions dans lesquelles un patient bipolaire devrait être plus discriminé en tant qu’individu qu’un patient diabétique ou cardiaque.. Ce n’est pas en mettant de côté la pensée scientifique qu’une société harmonieuse d’égaux pourra être construite. En tant que médecins, psychiatres et scientifiques, nous ne pouvons pas permettre aux patients psychiatriques d’en payer le prix une fois de plus.
* Président élu Société Italienne de Psychiatrie
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