Une histoire personnelle, pour une fois, qui est arrivée à l’écrivain. Au milieu de la nuit, une personne âgée de la famille ressent une douleur clairement attribuable à un infarctus du myocarde. Appelez le 112, l’ambulance arrive rapidement et l’entrée aux urgences d’un des grands hôpitaux milanais se fait tout aussi rapidement. Médecins et infirmières sympathiques et professionnels. Le patient est soumis aux tests nécessaires puis amené à s’asseoir sur une civière dans l’un des couloirs du service des urgences. Le temps technique passe pour obtenir les résultats des tests (il faut trois prises de sang successives) : tout fonctionne bien. Pendant ce temps, à partir de 6 heures du matin, il est forcément trois heures de l’après-midi. La patiente est fatiguée, comme celui qui l’accompagne, qui s’installe du mieux qu’il peut en s’asseyant occasionnellement sur le bord du canapé, mais passe le plus clair de son temps debout. Il est poliment suggéré de se reposer un peu dans la salle d’attente, où se trouvent des chaises pour les proches, mais comment laisser une personne âgée seule ?
En attendant, les résultats des tests arrivent, mais ils ne sont pas assez clairs pour permettre au médecin qui a pris en charge la personne d’hospitaliser ou de faire sortir : le patient fragile, la situation complexe, l’avis du cardiologue de garde est nécessaire. Très bien. Il attend. Et puis vous attendez encore, puis encore. Les heures passent, la fatigue augmente, la méfiance commence à s’installer et avec elle la nervosité, quelle mauvaise conseillère. Alors on se met à demander avec une certaine insistance, puis avec une certaine véhémence, et puis on perd définitivement patience : Comment est-il possible qu’il faille attendre si longtemps l’avis d’un cardiologue ? Voilà pour la « salle d’urgence ».. Qui entre-temps s’est rempli d’une humanité douloureuse, souvent perdue, mais parfois, il faut le dire, aussi irresponsable: Pourquoi êtes-vous venu aux urgences ? J’ai un peu mal à la gorge. Avez-vous pris votre température ? Non. Bonjour, quel est le problème ? Une petite douleur dans le dos, depuis quelques jours. Avez-vous demandé à votre médecin de famille? Non. Je suis désolé, mais d’après votre code de gravité, il y a au moins 45 personnes devant vous. Ce ne sont pas des dialogues inventés, mais écoutés en direct.
Dans ce scénario rempli de douleur, d’attente, de pauvreté, mais souvent aussi de manque de sens civiquemédecins et infirmières se déplacent, et vous devenez spectateurs de leur fatigue comme de la vôtre, de leur patience et de votre propre impatience. Finalement, le cardiologue arrive. Il y fait une visite très poussée, sans rien omettre, presque surprenant pour son jeune âge (récemment spécialisé). Désolé de nous avoir fait attendre si longtemps. Et donc il s’avère qu’elle était la seule cardiologue de garde dans tout l’hôpital, ce qui est énorme : disponible pour les urgences et les conseils non seulement aux urgences mais dans tous les services. Il ne reste plus qu’à avoir honte de son impatience, et à se fâcher un peu pour ceux qui vont aux urgences pour rien, volant du temps et des ressources au personnel et à ceux qui en ont vraiment besoin de toute urgence. Et on se demande comment est-il possible qu’un seul cardiologue soit « prêt » à aider dans un si grand hôpital. Puis on se rappelle qu’on entend tous les jours qu’il y a trop peu de médecins (et d’infirmières), de moins en moins. Et c’est compréhensible, en cas de besoin, car notre service de santé a besoin d’une aide rapide.